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Le Parti pris des choses est un recueil de poèmes en prose. Comme le titre le laisse entendre, Francis Ponge « prend le parti » de décrire des « choses », en tire le meilleur « parti » en les peignant sous un jour nouveau. Ainsi des éléments prosaïques tels un cageot ou une huître peuvent devenir objets d'intérêt sous l’œil attentif du poète.

e poète fait le choix de l'aliment le plus banal et semble le découvrir avec un regard neuf, proposant par là au lecteur un voyage dans son univers poétique.


Nature morte à l'échiquier de Lubin BAUGIN
http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=18862

LE PAIN
La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes.
Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses... Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, – sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente.
Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable...
Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Francis Ponge
Le Parti pris des choses, « Le Pain » 
1942