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Incendies appartient au théâtre contemporain. C’est la deuxième pièce d’une tétralogie intitulée Le Sang des promesses, écrite par un auteur d’origine libanaise qui a connu la guerre civile. L’œuvre Incendies a une construction originale parce qu’elle mêle différentes époques et lieux autour d’une héroïne, Nawal, dont on va découvrir le destin tragique.

Nawal (19 ans), accompagnée de Sawda, est à la recherche de son fils. Dans le tableau 15, elles l’ont cherché à l’orphelinat de Nabatiyé, au sud du Liban ; elles viennent d’arriver à celui de Kfar Rayat. Elles rencontrent un médecin qui vient de leur annoncer qu’il n’y a plus d’enfants. Ce dialogue sans didascalie répond à la question de Nawal : « Pourquoi ? ».


Pièce complète à écouter (extrait partiel à 38’20’’) https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/incendies-de-wajdi-mouawad-0
Dossier pédagogique sur Incendies, mise en scène de Wajdi Mouawad https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Incendies-1073/contenus-pedagogiques/idcontent/64949
Extrait d’une mise en scène de 2003 au Festival d’Avignon, de la Compagnie des Indes https://www.theatre-contemporain.net/video/Incendies-extrait-video


LE MÉDECIN. C’est la guerre.
SAWDA. Quelle guerre ?
LE MÉDECIN. Qui sait ? Personne ne comprend. Les frères tirent sur leurs frères et les pères sur leurs pères. Une guerre. Mais quelle guerre ? Un jour 500 000 réfugiés sont arrivés de l’autre côté de la frontière. Ils ont dit : « On nous a chassés de nos terres, laissez-nous vivre à vos côtés. » Des gens d’ici ont dit oui, des gens d’ici ont dit non, des gens d’ici ont fui. Des millions de destins. Et on ne sait plus qui tire sur qui ni pourquoi. C’est la guerre.
SAWDA. Et les enfants qui étaient ici, où sont-ils ?
LE MÉDECIN. Tout s’est passé très vite. Les réfugiés sont arrivés. Ils ont pris tout le monde. Même les nouveau-nés. Tout le monde. Ils étaient en colère.
SAWDA. Pourquoi ?
LE MÉDECIN. Pour se venger. Il y a deux jours, les miliciens ont pendu trois adolescents réfugiés qui se sont aventurés en dehors des camps. Pourquoi les miliciens ont-ils pendu les trois adolescents ? Parce que deux réfugiés du camp avaient violé et tué une fille du village de Kfar Samira. Pourquoi ces deux types ont-ils violé cette fille ? Parce que les miliciens avaient lapidé une famille de réfugiés. Pourquoi les miliciens l’ont-ils lapidée ? Parce que les réfugiés avaient brûlé une maison près de la colline du thym. Pourquoi les réfugiés ont-ils brûlé la maison ? Pour se venger des miliciens qui avaient détruit un puits d’eau foré par eux. Pourquoi les miliciens ont détruit le puits ? Parce que des réfugiés avaient brûlé une récolte du côté du fleuve au chien. Pourquoi ont-ils brûlé la récolte ? Il y a certainement une raison, ma mémoire s’arrête là, je ne peux pas monter plus haut, mais l’histoire peut se poursuivre encore longtemps, de fil en aiguille, de colère en colère, de peine en tristesse, de viol en meurtre, jusqu’au début du monde.
NAWAL. Ils sont partis où ?
LE MÉDECIN. Vers le sud. Dans les camps. Maintenant tout le monde a peur. On attend les représailles.

Wajdi Mouawad
Incendies , Tableau 17 « Orphelinat de Kfar Rayat »
2003