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L’argument de L’Ecole des Femmes est bien connu, et n’est d’ailleurs pas une invention de Molière : thème maintes fois repris par des auteurs du XVII°, comme Scarron, il est celui d’une jeune fille convoitée par un « barbon », homme d’âge très mur, qui veut s’approprier une jeune personne par divers procédés, souvent contre le gré de la jeune fille. Dans la pièce de Molière, Arnolphe, terrorisé par la perspective d’être dupé par une femme trop intelligente et rouée, et donc de devenir cocu, achète ni plus ni moins une fillette qu’il prend soin « d’élever » à défaut d’éduquer, dans la plus grande ignorance. Il veut ensuite l’épouser, en se posant comme seul responsable de sa vie et de son destin. Il la séquestre chez lui, et demande bien de « n’ouvrir à personne ». La jeune fille, illettrée, trouve pourtant moyen d’écrire maladroitement à un amoureux, en apparence repoussé, mais secrètement aimé. Le quiproquo de la scène 5 tient d’abord à l’ignorance d’Horace, l’amoureux, croyant se confier à un ami, alors qu’Arnoplphe n’est autre que le futur mari jaloux tenant dans le secret sa jeune prisonnière.
Dramatiquement, la scène est savoureuse en raison du quiproquo, et du confident inapproprié. Mais cette tension comique se double d’un moment émouvant, puisque cette lettre, écrite secrètement par une jeune fille censée ne pas savoir écrire, est d’une redoutable efficacité amoureuse, et révèle la puissance d’un esprit désireux d’apprendre tout autant que d’aimer. Du point de vue formel, le fait que la lettre soit écrite en prose, au cœur d’une pièce en vers, achève de lui donner un relief et un naturel inattendus.
Photographies de la mise en scène de Jean-Luc Boutté (1992) avec Jacques Weber et Isabelle Carré
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9068608t.r=L%27%C3%A9cole%20des%20femmes