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Dom Juan ou le Festin de pierre est une comédie en cinq actes et en prose que Molière a écrite assez rapidement après l’interdiction du Tartuffe. La pièce met en scène un noble libertin, un homme qui ne respecte aucun principe, ni moral ni religieux ; il n’hésite pas à promettre le mariage à une femme qu’il veut séduire, puis il l’abandonne, comme il vient de le faire avec Done Elvire, projetant toujours une nouvelle conquête.

La pièce débute par un dialogue entre Sganarelle, valet de Dom Juan, qui révèle à Gusman, serviteur d’Elvire, le véritable visage de son maître.


Photographies de la mise en scène de Francis Huster (1987) avec Jacques Weber (Dom Juan) et Francis Huster (Sganarelle) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9002453f
Photographies de la mise en scène de Marcel Maréchal (1988) avec Pierre Arditi (Dom Juan) et Marcel Maréchal (Sganarelle) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9061045v.r=Dom+Juan.langFR
Photographies de la mise en scène de Jacques Lasalle (1993) avce Andrzej Seweryn (Dom Juan) et Roland Bertin (Sganarelle) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90772055.r=Dom+Juan.langFR

SGANARELLE / Je n'ai pas grande peine à le comprendre, moi ; et si tu connaissais le pèlerin, tu trouverais la chose assez facile pour lui. Je ne dis pas qu'il ait changé de sentiments pour Done Elvire, je n'en ai point de certitude encore : tu sais que, par son ordre, je partis avant lui, et depuis son arrivée il ne m'a point entretenu ; mais, par précaution, je t'apprends, inter nos, que tu vois en Don Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, un pourceau d'Épicure, un vrai Sardanapale, qui ferme l'oreille à toutes les remontrances qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons. Tu me dis qu'il a épousé ta maîtresse : crois qu'il aurait plus fait pour sa passion, et qu'avec elle il aurait encore épousé toi, son chien et son chat. Un mariage ne lui coûte rien à contracter ; il ne se sert point d'autres pièges pour attraper les belles, et c'est un épouseur à toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui ; et si je te disais le nom de toutes celles qu'il a épousées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer jusques au soir. Tu demeures surpris et changes de couleur à ce discours ; ce n'est là qu'une ébauche du personnage, et, pour en achever le portrait, il faudrait bien d'autres coups de pinceau. Suffit qu'il faut que le courroux du Ciel l'accable quelque jour ; qu'il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où. Mais un grand seigneur méchant homme est une terrible chose ; il faut que je lui sois fidèle, en dépit que j'en aie : la crainte en moi fait l'office du zèle, bride mes sentiments, et me réduit d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste. Le voilà qui vient se promener dans ce palais : séparons-nous. Écoute au moins : je t'ai fait cette confidence avec franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche ; mais, s'il fallait qu'il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti.

Molière
Dom Juan , acte I, scène 1 
1665