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Cette pièce représente une nouvelle étape dans la carrière de Jean-Luc Lagarce : après avoir mis en scène des classiques, il écrit ce drame en 1990. Mais la pièce ne plaît à aucun éditeur et ne sera découverte et montée par Joël Joanneau, en 1999. Au moment où il a composé Juste la fin du monde, Lagarce se savait séropositif. Il raconte le retour de Louis qui revient dans sa famille pour annoncer qu’il va mourir car il se sait condamné. A partir de la première scène, Louis rencontrera, après sa longue absence, Suzanne, sa sœur, Antoine, son frère, Catherine sa belle-sœur, ainsi que sa mère qui n’a pas de prénom dans la pièce.

Il s’agit du prologue, moment où la pièce n’est pas encore commencée. La didascalie initiale indique, outre les prénoms, l’âge des personnages et le lien familial qui les unit : « Cela se passe dans la maison de la Mère et de Suzanne, un dimanche évidemment, ou bien encore durant près d’une année entière.» sans précision de décors, d’accessoires, de costumes. On notera que ce monologue est composé d’une seule et unique phrase disposée de sorte à faire ressembler cette scène à un texte poétique.


Le film adapté de la pièce par Xavier Dolan, un extrait ici https://www.theatre-contemporain.net/video/Juste-la-fin-du-monde-X-Dolan-Extrait-1
la pièce : Le Reverbère https://www.youtube.com/watch?v=DhQjjXnWjlI&ab_channel=LeR%C3%A9verbere Du noir avec voix off vers la lumière sur scène : arrivée et voix réelle qui prend le relais. Le théâtre des Invités https://www.youtube.com/watch?v=JyedZzxfbCg&ab_channel=JonathanKlein mêmes choix de début avec un noir et voix


LE MÉDECIN. C’est la guerre.
SAWDA. Quelle guerre ?
LE MÉDECIN. Qui sait ? Personne ne comprend. Les frères tirent sur leurs frères et les pères sur leurs pères. Une guerre. Mais quelle guerre ? Un jour 500 000 réfugiés sont arrivés de l’autre côté de la frontière. Ils ont dit : « On nous a chassés de nos terres, laissez-nous vivre à vos côtés. » Des gens d’ici ont dit oui, des gens d’ici ont dit non, des gens d’ici ont fui. Des millions de destins. Et on ne sait plus qui tire sur qui ni pourquoi. C’est la guerre.
SAWDA. Et les enfants qui étaient ici, où sont-ils ?
LE MÉDECIN. Tout s’est passé très vite. Les réfugiés sont arrivés. Ils ont pris tout le monde. Même les nouveau-nés. Tout le monde. Ils étaient en colère.
SAWDA. Pourquoi ?
LE MÉDECIN. Pour se venger. Il y a deux jours, les miliciens ont pendu trois adolescents réfugiés qui se sont aventurés en dehors des camps. Pourquoi les miliciens ont-ils pendu les trois adolescents ? Parce que deux réfugiés du camp avaient violé et tué une fille du village de Kfar Samira. Pourquoi ces deux types ont-ils violé cette fille ? Parce que les miliciens avaient lapidé une famille de réfugiés. Pourquoi les miliciens l’ont-ils lapidée ? Parce que les réfugiés avaient brûlé une maison près de la colline du thym. Pourquoi les réfugiés ont-ils brûlé la maison ? Pour se venger des miliciens qui avaient détruit un puits d’eau foré par eux. Pourquoi les miliciens ont détruit le puits ? Parce que des réfugiés avaient brûlé une récolte du côté du fleuve au chien. Pourquoi ont-ils brûlé la récolte ? Il y a certainement une raison, ma mémoire s’arrête là, je ne peux pas monter plus haut, mais l’histoire peut se poursuivre encore longtemps, de fil en aiguille, de colère en colère, de peine en tristesse, de viol en meurtre, jusqu’au début du monde.
NAWAL. Ils sont partis où ?
LE MÉDECIN. Vers le sud. Dans les camps. Maintenant tout le monde a peur. On attend les représailles.

Jean-Luc LAGARCE
Juste la fin du monde ,  « Prologue »
1990