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D’abord attirée par une carrière d’actrice et après avoir fondé au Québec avec Gervais Gaudreault Le Carrousel, compagnie de Théâtre à Montréal en 1975, Suzanne Lebeau, s’est dédiée à l’écriture théâtrale. Elle a composé une trentaine de pièces qui permettent de réfléchir à ce qu’il faut dire aux enfants et comment à propos de sujets graves comme la maladie, l'inceste. De nombreux prix ont récompensé la dramaturge dans de nombreux pays. Le bruit des os qui craquent ont reçu le prix des Journées de Lyon des auteurs de théâtre en 2007. Trois petites sœurs a obtenu le Grand Prix de littérature dramatique Jeunesse au Québec en 2018. Cette pièce aborde un sujet très délicat, celui de la mort d’une enfant emportée par un cancer. Le récit de la maladie d’Alice est reconstitué par les membres de sa famille au fil de la pièce : ses deux sœurs, La Grande et la Petite, et les parents, La Mère et Le Père. Alice, bien que morte, est présente sur scène : elle prend parfois la parole et semble aider au besoin chacun à dire qui il est, comment il a peu à peu compris l’évolution de la maladie. Suzanne Lebeau a choisi en ouverture cette citation de M. Heidegger : « Dès qu’un humain vient à la vie, il est déjà assez vieux pour mourir ». Elle est convaincue qu’« un enfant part sereinement quand il a acquis ma certitude que ses parents acceptent qu’il parte, qu’il meure. »

La pièce se compose de dix scènes encadrées de deux textes, intitulés respectivement « En guise de prologue, La famille » et « En guise d’épilogue, Retour à la vie non-normale ». Cet extrait ouvre la pièce. Le texte théâtral a la particularité de se présenter comme un texte poétique en vers libres, sans aucune didascalie ni indication scénique. Les personnages se présentent un par un et vont retisser ensemble par leur dialogue l’histoire de l’enfant. Après Alice, c’est la Mère qui prend la parole, puis le Père, La Grande et la Petite. Alice conclut en nous apprenant à la fin du Prologue qu’un an s’est écoulé et que tous les quatre s’apprêtent à retourner à l’hôpital apporter des chocolats aux autres enfants malades. Les spectateurs ignorent encore tout et vont découvrir progressivement comment c’est arrivé.


Mise en scène La pièce mise en scène par Gervais Gaudreault, https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Trois-petites-soeurs/videos
L’auteure qui répond à la question « pourquoi le théâtre pour enfants ? » https://www.theatre-contemporain.net/video/Suzanne-Lebeau-Pourquoi-le-theatre-pour-enfants
Entretien avec l’auteure https://www.theatre-contemporain.net/video/tmpurl_ZjWma03I
4)la compagnie qu’elle a créée : « Le Carrousel », pour travailler le rapprochement entre le théâtre contemporain et les autres arts scéniques, le cirque en particulier et les manèges, afin que les élèves saisissent l’aspect divertissant https://www.lecarrousel.net/fr/compagnie/suzanne_lebeau La pièce présentée par l’auteure : https://www.theatre-contemporain.net/textes/Trois-petites-soeurs-Suzanne-Lebeau/playlist/id/A-propos-de-Trois-petites-soeurs/playlist/Trois-petites-soeurs-presente-par-Suzanne-Lebeau

En guise de prologue
La famille

ALICE-Ils sont là, avec moi, les personnages de l’histoire. Je les laisse se présenter eux-mêmes.
Ça, ils peuvent le faire.
Ils peuvent raconter…aussi…
Mais si je les laisse seuls, tous les quatre,
Ils ne pourront pas dire le plus important.
Il faut du temps, beaucoup de temps
pour trouver les bons mots
et les bons silences.

LA MÈRE-Je suis la mère… La mère d’Alice.
La mère de la petite Alice.
Les regards changent quand je prononce les mots.
Autour de moi, les voix se font plus douces,
timides,
effrayées.
Effroyablement distantes !
On ne me demande jamais comment je vais.
Jamais !
Personne ne veut entendre la réponse, je crois.
Ils ont peur…
Oui, ils ont peur que je donne une vraie réponse
que j’avoue simplement : « Je ne vais pas bien,
pas bien du tout. »
Les regards se baissent, se détournent, regardent au loin….
cherchent une excuse pour partir,
pour fuir.
J’ai envie de hurler :
« Restez, restez, s’il vous plaît,
je ne suis pas contagieuse.
J’ai besoin de vous.
Ne partez pas ! »

Suzanne Lebeau
Trois petites sœurs, Prologue 
2015