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Cette pièce représente une nouvelle étape dans la carrière de Jean-Luc Lagarce : après avoir mis en scène des classiques, il écrit ce drame en 1990. Mais la pièce ne plaît à aucun éditeur et ne sera découverte et montée par Joël Joanneau, en 1999. Au moment où il a composé Juste la fin du monde, Lagarce se savait séropositif. Il raconte le retour de Louis qui revient dans sa famille pour annoncer qu’il va mourir car il se sait condamné. A partir de la première scène, Louis rencontrera, après sa longue absence, Suzanne, sa sœur, Antoine, son frère, Catherine sa belle-sœur, ainsi que sa mère qui n’a pas de prénom dans la pièce.

Il s’agit du prologue, moment où la pièce n’est pas encore commencée. La didascalie initiale indique, outre les prénoms, l’âge des personnages et le lien familial qui les unit : « Cela se passe dans la maison de la Mère et de Suzanne, un dimanche évidemment, ou bien encore durant près d’une année entière.» sans précision de décors, d’accessoires, de costumes. On notera que ce monologue est composé d’une seule et unique phrase disposée de sorte à faire ressembler cette scène à un texte poétique.


Le film adapté de la pièce par Xavier Dolan, un extrait ici https://www.theatre-contemporain.net/video/Juste-la-fin-du-monde-X-Dolan-Extrait-1
la pièce : Le Reverbère https://www.youtube.com/watch?v=DhQjjXnWjlI&ab_channel=LeR%C3%A9verbere Du noir avec voix off vers la lumière sur scène : arrivée et voix réelle qui prend le relais. Le théâtre des Invités https://www.youtube.com/watch?v=JyedZzxfbCg&ab_channel=JonathanKlein mêmes choix de début avec un noir et voix

PROLOGUE

LOUIS. – Plus tard‚ l’année d’après
– j’allais mourir à mon tour –
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que
je mourrai‚
l’année d’après‚
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire‚ à tricher‚ à ne plus savoir‚
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini‚
l’année d’après‚
comme on ose bouger parfois‚
à peine‚
devant un danger extrême‚ imperceptiblement‚ sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt‚
l’année d’après‚
malgré tout‚
la peur‚
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre‚
malgré tout‚
l’année d’après‚
je décidai de retourner les voir‚ revenir sur mes pas‚ aller sur mes traces et faire le voyage‚
pour annoncer‚ lentement‚ avec soin‚ avec soin et précision
– ce que je crois –
lentement‚ calmement‚ d’une manière posée
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux‚ tout précisément‚ n’ai-je pas toujours été un homme posé ?‚
pour annoncer‚
dire‚
seulement dire‚
ma mort prochaine et irrémédiable‚
l’annoncer moi-même‚ en être l’unique messager‚
et paraître
– peut-être ce que j’ai toujours voulu‚ voulu et décidé‚ en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider‚
me donner et donner aux autres‚ et à eux‚ tout précisément‚ toi‚ vous‚ elle‚ ceux-là encore que je ne connais pas (trop tard et tant pis)‚
me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître.

Jean-Luc LAGARCE
Juste la fin du monde ,  « Prologue »
1990