Taille texte


Espace lettres


Espace mots


Espace lignes

Jean-Luc Lagarce écrit Juste la fin du monde en 1990, alors qu’il se sait atteint du sida. La pièce comporte deux parties, séparées par un intermède, s’ouvre sur un prologue et s’achève par un épilogue. Louis, 34 ans, revient vers sa famille après des années d’absence. (Il retrouve sa mère, sa petite sœur Suzanne, son frère Antoine, marié à Catherine). Venu pour leur annoncer sa mort prochaine, il ne parvient pas à leur parler et le temps s’écoule, ponctué par les colères d’Antoine, les souvenirs amers et les vaines tentatives de communication entre les différents membres de la famille.

Après avoir échoué à parler de sa maladie à ses proches, Louis les quitte pour toujours. Dans l’épilogue, il est déjà mort, et se remémore un instant du passé.


Extrait de mise en scène : https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Juste-la-fin-du-monde-20323/ https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/oeuvre/jean-luc-lagarce-1/juste-la-fin-du-monde.html
Ressources pédagogiques : https://eduscol.education.fr/odysseum/juste-la-fin-du-monde-de-jean-luc-lagarce-lire-analyser-mettre-en-jeu


Louis. – Après, ce que je fais,

je pars.
Je ne reviens plus jamais. Je meurs quelques mois plus tard,
une année tout au plus.

Une chose dont je me souviens et que je raconte encore
(après, j'en aurai fini) :

c’est l'été, c’est pendant ces années où je suis absent,

c’est dans le Sud de la France.
Parce que je me suis perdu, la nuit dans la montagne,

je décide de marcher le long de la voie ferrée.

Elle m’évitera les méandres de la route, le chemin sera plus court
et je sais qu’elle passe près de la maison où je vis.

La nuit aucun train n’y circule, je ne risque rien

et c’est ainsi que je me retrouverai.

À un moment, je suis à l’entrée d’un viaduc immense,

il domine la vallée que je devine sous la lune,

et je marche seul dans la nuit,

à égale distance du ciel et de la terre.

Ce que je pense

(et c’est cela que je voulais dire)

c’est que je devrais pousser un grand et beau cri,

un long et joyeux cri qui résonnerait dans toute la vallée,

que c’est ce bonheur-là que je devrais m’offrir,

hurler une bonne fois,

mais je ne le fais pas,

je ne l'ai pas fait.

Je me remets en route avec seul le bruit de mes pas sur le gravier.

Ce sont des oublis comme celui-là que je regretterai.
Juillet 1990

Berlin.

Jean-Luc LAGARCE
Juste la fin du monde , Épilogue de la pièce 
1990