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Attiré très tôt par la poésie, La Fontaine décide d’en faire son métier au détriment de ses études d’avocat. Il s’inspire principalement pour les fables qu’il compose à l’intention du jeune dauphin, Louis XIV, des textes d’Esope, Phèdre et de Pilpay, qu’il enrichit de considérations sur son siècle. Son ambition est de créer une galerie de saynètes permettant d’illustrer le comportement de ses contemporains ; le genre de la fable et les allégories lui évitent la censure royale. Pourtant, la critique est partout : celle de l’Homme et du courtisan qui entretiennent vanités et ambitions mais également celle d’un monarque puissant auquel le poète n’a pas toujours eu le bonheur de plaire. Par le récit animé et la morale qui le suit, l’apologue réalise ainsi sa visée qui est de « plaire et d’instruire. » (VI, 1)

La Fontaine s’est inspiré des fabulistes antiques, Ésope et Phèdre, pour ses fables. Il a également puisé son inspiration dans les épopées d’Homère qu’il parodie à plusieurs reprises. Ainsi dans « Les Deux Coqs », il réécrit le combat entre Ménélas et Pâris qui se disputent la belle Hélène. C’est cette rivalité amoureuse qui est à l’origine de la guerre de Troie. La Fontaine reprend cet épisode épique et le concentre dans une fable qui propose une autre vision du duel héroïque…

Deux Coqs vivaient en paix ; une Poule survint,
Et voilà la guerre allumée.
Amour, tu perdis Troie ; et c' est de toi que vint
Cette querelle envenimée,
Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.
Longtemps entre nos Coqs le combat se maintint.
Le bruit s'en répandit par tout le voisinage.
La gent qui porte crête au spectacle accourut.
Plus d' une Hélène au beau plumage
Fut le prix du vainqueur ; le vaincu disparut.
Il alla se cacher au fond de sa retraite,
Pleura sa gloire et ses amours,
Ses amours qu' un rival tout fier de sa défaite
Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours
Cet objet rallumer sa haine et son courage.
Il aiguisait son bec, battait l' air et ses flancs,
Et s' exerçant contre les vents
S' armait d' une jalouse rage.
Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits
S' alla percher, et chanter sa victoire.
Un Vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire.
Tout cet orgueil périt sous l'ongle du Vautour.
Enfin, par un fatal retour,
Son rival autour de la Poule
S' en revint faire le coquet :
Je laisse à penser quel caquet,
Car il eut des femmes en foule.
La Fortune se plaît à faire de ces coups ;
Tout vainqueur insolent à sa perte travaille.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous,
Après le gain d'une bataille.

Jean de La Fontaine
Fables, Livre VII « Les deux coqs »
1678