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Madame de La Fayette a fait le choix de situer son roman au XVIe siècle : La Princesse de Clèves est un roman historique mettant en scène Madame de Clèves, jeune femme partagée entre l'amour de son mari le prince de Clèves et l'attirance pour un autre homme, le duc de Nemours. L'histoire se déroule sous le règne d'Henri II et de son successeur François.

L’action commence en 1558 par la mise en scène de la cour de France sous le règne d'Henri II (1547-1559). Dans ce rassemblement de personnes illustres qui composent la cour du roi, Mademoiselle de Chartes, la fille de Madame de Clèves, parait alors aux yeux de tous. C'est une magnifique jeune femme de seize ans, élevée par sa mère selon une morale très exigeante. Ce passage offre donc un portrait très valorisant de ce personnage reconnu pour sa vertu.


Illustration du roman de Madame de La Fayette par Marie Laurencin : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8435506n

Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de tout le monde, et l'on doit croire que c'était une beauté parfaite, puisqu'elle donna de l'admiration dans un lieu où l'on était si accoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maison que le vidame de Chartres, et une des plus grandes héritières de France. Son père était mort jeune, et l'avait laissée sous la conduite de madame de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari, elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l'éducation de sa fille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son esprit et sa beauté ; elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la lui rendre aimable. La plupart des mères s'imaginent qu'il suffit de ne parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pour les en éloigner. Madame de Chartres avait une opinion opposée ; elle faisait souvent à sa fille des peintures de l'amour ; elle lui montrait ce qu'il a d'agréable pour la persuader plus aisément sur ce qu'elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait le peu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité, les malheurs domestiques où plongent les engagements ; et elle lui faisait voir, d'un autre côté, quelle tranquillité suivait la vie d'une honnête femme, et combien la vertu donnait d'éclat et d'élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance. Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile de conserver cette vertu, que par une extrême défiance de soi-même, et par un grand soin de s'attacher à ce qui seul peut faire le bonheur d'une femme, qui est d'aimer son mari et d'en être aimée.
Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle fût dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personne étaient pleins de grâce et de charmes.

Marie-Madeleine de La Fayette
La Princesse de Clèves, Première partie (« Il parut alors une beauté à la cour... »)
1678