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Les Contemplations sont un recueil de poésies romantiques et lyriques que Victor Hugo définit dans la préface comme « les Mémoires d’une âme ». L’ouvrage qui paraît en 1856 est structuré en deux parties, Autrefois (1830-1843) et Aujourd’hui (1843-1855), qui chacune se subdivise en trois livres (Aurore-L’Âme en fleur-Les Luttes et les rêves /Pauca Meae-En Marche-Au Bord de l’infini) . Le poète oppose son passé heureux à son présent endeuillé par la mort en 1843 de sa fille Léopoldine.

Ce poème est le cinquième du livre IV intitulé Pauca Meae dans la partie Aujourd’hui : « pauca meae » signifie « quelques vers pour ma fille ». Ce titre est un souvenir du poète latin Virgile : « Pauca meo Gallo, sed quae legat ipsa Lycoris, Carmina sunt dicenda » = « Je dois chanter quelques vers pour mon cher Gallus, mais des vers qui soient lus de Lycoris elle-même. » Bucoliques, 10. Dans cette section l’on trouve aussi le très connu poème XIV « Demain, dès l’aube… ».


Franck FERRAND relate l’accident et la mort de Léopoldine HUGO sur Europe1 https://www.youtube.com/watch?v=5G4denBpYUw
Extrait du journal « Le Siècle » (7 septembre 1843) annonçant la mort de Léopoldine HUGO dans la rubrique « Nouvelles diverses » (colonne centrale) et commençant par ces mots : « On lit dans le Journal du Havre » https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k720912s/f2.item
Portrait de Léopoldine HUGO : http://parismuseescollections.paris.fr/fr/maison-de-victor-hugo/oeuvres/leopoldine-hugo#infos-principales
Les quatre enfants de HUGO : http://parismuseescollections.paris.fr/fr/maison-de-victor-hugo/oeuvres/leopoldine-charles-francois-victor-et-adele-hugo-enfants-de-victor-0

1
Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
 
De venir dans ma chambre un peu chaque matin ;
 
Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère ;
 
Elle entrait et disait : Bonjour, mon petit père ;
 
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s’asseyait
 
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
 
Puis soudain s’en allait comme un oiseau qui passe.
 
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,
 
Mon œuvre interrompue, et, tout en écrivant,
 
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
 
Quelque arabesque folle et qu’elle avait tracée,
 
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
 
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.
 
Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
 
Et c’était un esprit avant d’être une femme.
 
Son regard reflétait la clarté de son âme.
 
Elle me consultait sur tout à tous moments.
 
Oh ! que de soirs d’hiver radieux et charmants
 
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
 
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère
 
Tout près, quelques amis causant au coin du feu !
 
J’appelais cette vie être content de peu !
 
Et dire qu’elle est morte ! Hélas ! que Dieu m’assiste !
 
Je n’étais jamais gai quand je la sentais triste ;
 
J’étais morne au milieu du bal le plus joyeux
 
Si j’avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.
 
Novembre 1846, jour des Morts.


Victor Hugo
Les Contemplations, In Aujourd’hui, Livre Quatrième, PAUCA MEAE, V. « Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin »
1856