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L’histoire, inspirée d’un fait divers, se déroule en Normandie, et relate les illusions et désillusions d’Emma Bovary dans sa condition d’épouse, puis de mère, et d’amante. Le sous-titre, Mœurs de province, indique le projet de Flaubert qui veut refléter dans son œuvre la réalité de son époque. La publication de l’œuvre vaudra à son auteur un procès pour immoralité et un immense succès.

Déçue par le mariage, Emma Bovary trompera son mari qui l’ennuie : « la conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie ». Dans le chapitre VIII, elle est séduite par un riche propriétaire, Rodolphe Boulanger, qui la courtise pendant les comices agricoles, manifestations rurales réunissant paysans, exploitants et notables venus distribuer quelques récompenses. On appelle sur l’estrade « Catherine-Nicaise-Elisabeth Leroux, de Sassetot-la-Guerrière, pour cinquante-quatre ans de service dans la ferme, une médaille d’argent – du prix de vingt-cinq francs ». C’est l’occasion pour Flaubert de dresser un très beau portrait, lourd de sens.


Une petite histoire du portrait en littérature : http://classes.bnf.fr/portrait/litterature/index.htm
Pour découvrir le roman Madame Bovary, et approfondir sa connaissance : http://gallica.bnf.fr/essentiels/flaubert/madame-bovary

Alors on vit s'avancer sur l'estrade une petite vieille femme de maintien craintif, et qui paraissait se ratatiner dans ses pauvres vêtements. Elle avait aux pieds de grosses galoches de bois, et, le long des hanches, un grand tablier bleu. Son visage maigre, entouré d'un béguin sans bordure, était plus plissé de rides qu'une pomme de reinette flétrie, et des manches de sa camisole rouge dépassaient deux longues mains, à articulations noueuses. La poussière des granges, la potasse des lessives et le suint des laines les avaient si bien encroûtées, éraillées, durcies, qu'elles semblaient sales quoiqu'elles fussent rincées d'eau claire ; et, à force d'avoir servi, elles restaient entrouvertes, comme pour présenter d'elles-mêmes l'humble témoignage de tant de souffrances subies. Quelque chose d'une rigidité monacale relevait l'expression de sa figure. Rien de triste ou d'attendri n'amollissait ce regard pâle. Dans la fréquentation des animaux, elle avait pris leur mutisme et leur placidité. C'était la première fois qu'elle se voyait au milieu d'une compagnie si nombreuse ; et, intérieurement effarouchée par les drapeaux, par les tambours, par les messieurs en habit noir et par la croix d'honneur du Conseiller, elle demeurait tout immobile, ne sachant s'il fallait s'avancer ou s'enfuir, ni pourquoi la foule la poussait et pourquoi les examinateurs lui souriaient. Ainsi se tenait, devant ces bourgeois épanouis, ce demi-siècle de servitude.

Gustave Flaubert
Madame Bovary, Mœurs de province, Partie II, chapitre 8 (Portrait de Catherine Leroux)
1857