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Madame Bovary, Mœurs de province, est un roman publié en 1857 qui naît entre deux mouvements littéraires majeurs du XIXème siècle : le Romantisme et le Réalisme. L’histoire, inspirée d’un fait divers, expose au lecteur la vie d’Emma Bovary, un personnage féminin rêveur qui connaîtra diverses désillusions et déceptions. Inexorablement, les aspirations romantiques d’Emma viennent se heurter à une réalité abrupte et froide.

Emma Bovary est déçue de son mariage, de son époux et de sa vie de jeune mère. Dans cette partie du roman, elle a un amant, nommé Rodolphe, qui l’a courtisée lors de longues promenades à cheval. Elle pense à Rodolphe et elle-même lorsqu’elle partage le lit conjugal.


Emmanuel Bondeville, Madame Bovary, drame lyrique, 1950 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k88130883
Roman disponible sur Gallica (édition définitive suivie des Réquisitoire, plaidoirie et jugement du procès intenté à l’auteur) : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65527210?rk=21459;2

Emma ne dormait pas, elle faisait semblant d'être endormie ; et, tandis qu'il s'assoupissait à ses côtés, elle se réveillait en d'autres rêves.
Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d'où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut d'une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigognes. On marchait au pas, à cause des grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait sonner des cloches, hennir les mulets, avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines, dont la vapeur s'envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramide au pied des statues pâles, qui souriaient sous les jets d'eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C'est là qu'ils s'arrêteraient pour vivre ; ils habiteraient une maison basse, à toit plat, ombragée d'un palmier, au fond d'un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu'ils contempleraient. Cependant, sur l'immensité de cet avenir qu'elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l'horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. Mais l'enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s'endormait que le matin, quand l'aube blanchissait les carreaux et que déjà le petit Justin, sur la place, ouvrait les auvents de la pharmacie.

Gustave Flaubert
Madame Bovary, Mœurs de province, Deuxième partie, chapitre 12 (« Emma ne dormait pas… »)
1857