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La Rome qu’il a rêvée, l’humaniste la découvre lors d’un voyage avec son cousin et cardinal Jean du Bellay en avril 1553. Mais il réalise que la ville est moins une capitale culturelle et religieuse qu’un haut lieu de politique. En tant que secrétaire du cardinal, il devient en effet le témoin privilégié des intrigues qui se jouent à la cour vaticane, qu’elles concernent les relations entre l’empereur, le Pape et les Etats ou qu’elles soient celles d’hommes ambitieux et infatués d’eux-mêmes. Le titre du recueil symbolise ce désenchantement, que la maladie dont Du Bellay est victime, accroît encore.

L’auteur a aménagé une progression à l’intérieur du recueil : après une sorte de préface poétique (sonnets 1-24), Du Bellay justifie le titre du recueil en consacrant une part importante de la thématique au regret (s.25 à 49) puis il aborde la satire qui occupe les sonnets 50 à 127 pour évoquer enfin le retour à la cour (s.128 à 191). Dans l’avant-dernière partie dont est extrait ce poème, il semble être moins nostalgique et « prendre en gré la fortune » : il devient alors spectateur du monde dont il fait un tableau assez ironique, en s’en prenant à la figure moderne au XVIe du courtisan.


autres poèmes des Regrets ou l’Olive. https://www.google.fr/#q=Du+bellay+bnf

1
Seigneur, je ne saurais regarder d'un bon oeil
 
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,
 
Sinon en leur marcher les princes contrefaire,
 
Et se vêtir, comme eux, d'un pompeux appareil.

5
Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
 
S'il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire,
 
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
 
La lune en plein midi, à minuit le soleil.

9
Si quelqu'un devant eux reçoit un bon visage,
 
Ils le vont caresser, bien qu'ils crèvent de rage:
 
S'il le reçoit mauvais, ils le montrent au doigt.

12
Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
 
C'est quand devant le roi, d'un visage hypocrite,
 
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.


Joachim Du Bellay
Les Regrets, sonnet CL « Seigneur, je ne saurai regarder d'un bon oeil... »
1556