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En 1642, la création de Cinna est un triomphe. Corneille a trente-six ans et il a déjà écrit huit pièces. Protégé par Richelieu, Corneille a introduit la politique dans son œuvre et il s’interroge dans ses pièces sur les rapports entre les devoirs du Prince et l’héroïsme individuel. Dans Cinna, sa troisième tragédie, il emprunte son sujet à l’histoire romaine. Il met en scène Auguste, empereur de Rome de 27 avant J.-C. à 14 après J.-C. Face à cet empereur se dressent Cinna et Emilie. Ils sont jeunes, s’aiment et projettent d’assassiner Auguste qu’ils considèrent comme un tyran. Pourtant c’est ce même tyran qui, les ayant démasqués, saura faire preuve de clémence à leur égard et leur pardonnera leur complot. Cette tragédie sans mort impressionne par la noblesse des sentiments qui s’y expriment et finissent par gagner presque tous les personnages.

Octave-Auguste, le tyrannique empereur de Rome, est l’objet d’un complot ourdi notamment par Emilie, sa fille adoptive, et Cinna, son ami. Au terme de la pièce, lorsque l’empereur découvre la conspiration, il les convoque et, faisant preuve de magnanimité, leur accorde sa clémence dans une longue tirade.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2200072t : illustration pour la tragédie, Auguste
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8437015h : Auguste et Cinna, illustration
http://classes.bnf.fr/heros/arret/02_1.htm : le héros antique

En est-ce assez, ô Ciel ! et le sort, pour me nuire,
A-t-il quelqu'un des miens qu'il veuille encor séduire ?
Qu' il joigne à ses efforts le secours des enfers :
Je suis maître de moi comme de l' univers ;
Je le suis, je veux l' être. Ô siècles, ô mémoire,
Conservez à jamais ma dernière victoire !
Je triomphe aujourd'hui du plus juste courroux
De qui le souvenir puisse aller jusqu' à vous.
Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie :
Comme à mon ennemi je t'ai donné la vie,
Et malgré la fureur de ton lâche destin,
Je te la donne encor comme à mon assassin.
Commençons un combat qui montre par l'issue
Qui l'aura mieux de nous ou donnée ou reçue.
Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ;
Je t' en avais comblé, je t' en veux accabler :
Avec cette beauté que je t' avais donnée,
Reçois le consulat pour la prochaine année.
(A Emilie)
Aime Cinna, ma fille, en cet illustre rang,
Préfères-en la pourpre à celle de mon sang ;
Apprends sur mon exemple à vaincre ta colère :
Te rendant un époux, je te rends plus qu'un père.

Pierre Corneille
Cinna, ou la clémence d'Auguste, Acte V, scène 3 
1643