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La Peste est un roman d’Albert Camus publié en 1947. Ecrivain et journaliste engagé dans les combats de son époque, Camus porte un regard sur la société et les hommes du XXème siècle dans chacune de ses œuvres. Présenté comme une « chronique », ce roman relate des événements historiques dans un ordre chronologique. L’incipit nous renseigne ainsi : « Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. » L’histoire se déroule donc dans les années 1940, dans la ville d’Oran durant la période de l’Algérie française. Une épidémie de peste frappe la ville et la coupe du monde extérieur. Ce roman nous interroge sur l’emprisonnement et sur la capacité des hommes à lutter et à résister pour défendre leur liberté. À Roland Barthes, critique littéraire qui qualifiait l’analogie entre la « Peste » et le nazisme comme un « malentendu », Camus répondit : « La Peste, dans un sens, est plus qu’une chronique de la résistance. Mais assurément, elle n’est pas moins. »

Cet extrait se constitue des dernières lignes du roman. Il nous permet de comprendre qui est le narrateur du récit et quel est le rôle du docteur Rieux. Cottard et Tarrou sont deux personnages qui ont été emportés par la peste. Ils ne défendaient cependant pas les mêmes valeurs. Dans le roman, Cottard tire avantage de la peste alors que Tarrou lutte contre elle et cherche à aider les autres.


http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8843592j : Camus lit un extrait de La Peste.
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/bonaparte-visitant-les-pestiferes-de-jaffa-le-11-mars-1799 : tableau proposant une vision de la peste
http://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/peste.php : approche scientifique, sociale et religieuse de la peste

Du port obscur montèrent les premières fusées des réjouissances officielles. La ville les salua par une longue et sourde exclamation. Cottard, Tarrou, ceux et celle que Rieux avait aimés et perdus, tous, morts ou coupables, étaient oubliés. Le vieux avait raison, les hommes étaient toujours les mêmes. Mais c’était leur force et leur innocence et c’était ici que, par-dessus toute douleur, Rieux sentait qu’il les rejoignait. Au milieu des cris qui redoublaient de force et de durée, qui se répercutaient longuement jusqu’au pied de la terrasse, à mesure que les gerbes multicolores s’élevaient plus nombreuses dans le ciel, le docteur Rieux décida alors de rédiger le récit qui s’achève ici, pour ne pas être de ceux qui se taisent, pour témoigner en faveur de ces pestiférés, pour laisser du moins un souvenir de l’injustice et de la violence qui leur avaient été faites, et pour dire simplement ce qu’on apprend au milieu des fléaux, qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.
Mais il savait cependant que cette chronique ne pouvait pas être celle de la victoire définitive. Elle ne pouvait être que le témoignage de ce qu’il avait fallu accomplir et que, sans doute, devraient accomplir encore, contre la terreur et son arme inlassable, malgré leurs déchirements personnels, tous les hommes qui, ne pouvant être des saints et refusant d’admettre les fléaux, s’efforcent cependant d’être des médecins.
Ecoutant, en effet, les cris d'allégresse qui montaient de la ville, Rieux se souvenait que cette allégresse était toujours menacée. Car il savait ce que cette foule en joie ignorait, et qu’on peut lire dans les livres, que le bacille de la peste ne meurt ni ne disparaît jamais, qu’il peut rester pendant des dizaines d’années endormi dans les meubles et le linge, qu’il attend patiemment dans les chambres, les caves, les malles, les mouchoirs et les paperasses, et que, peut-être, le jour viendrait où, pour le malheur et l’enseignement des hommes, la peste réveillerait ses rats et les enverrait mourir dans une cité heureuse.

Albert Camus
La Peste, partie V, Chapitre V  « Explicit »
1947