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Pièce répartie en deux actes, paraissant dans un premier temps en anglais en 1961 puis représentée en France en 1963, Oh les beaux jours met en scène un couple : Winnie, âgée d’une cinquantaine d’années, et Willie âgé quant à lui d’une soixantaine d’années. Comme souvent chez Beckett, ces deux personnages entretiennent une relation d’interdépendance singulière : si Winnie est à moitié enterrée, elle symbolise cependant le courage et la détermination face à la vie, tandis que Willie, mobile, recourt à un pessimisme systématique. Beckett livre une pièce traitant de la condition humaine et du sens de la vie, où se mêlent malicieusement comique et tragique.

La pièce s’ouvre sur une longue didascalie présentant les deux personnages endormis : Winnie enterrée dans un mamelon et Willie, allongé, caché par celui-ci. L’univers plus qu’épuré, interroge déjà le spectateur. Elle sera la première à prendre la parole, au cours d’un monologue des plus déstabilisants.


Educ’Arte : https://educ.arte.tv/program/beckett-by-brook Création d’une pièce à partir de cinq écrits de Beckett
INA : https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01330/le-theatre-de-l-absurde.html Ionesco parle de l’absurde et de sa différence avec Beckett
INA : https://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu05422/samuel-beckett-prix-nobel-de-litterature.html Beckett présenté par son éditeur

Étendue d’herbe brûlée s’enflant au centre en petit mamelon. Pentes douces à gauche et à droite et côté avant-scène. Derrière, une chute plus abrupte au niveau de la scène. Maximum de simplicité et de symétrie.
Lumière aveuglante. Une toile de fond en trompe-l’œil très pompier représente la fuite et la rencontre au loin d’un ciel sans nuages et d’une plaine dénudée.
Enterrée jusqu’au-dessus de la taille dans le mamelon, au centre précis de celui-ci, WINNIE. La cinquantaine, de beaux restes, blonde de préférence, grassouillette, bras et épaules nus, corsage très décolleté, poitrine plantureuse, collier de perles. Elle dort, les bras sur le mamelon, la tête sur les bras. A côté d’elle, à sa gauche, un grand sac noir, genre cabas, et à sa droite une ombrelle à manche rentrant (et rentré) dont on ne voit que la poignée en bec-de-cane.
À sa droite et derrière elle, allongé par terre, endormi, caché par le mamelon, WILLIE. Un temps long. Une sonnerie perçante se déclenche, cinq secondes, s’arrête. Winnie ne bouge pas. Sonnerie plus perçante, trois secondes. Winnie se réveille. La sonnerie s’arrête. Elle lève la tête, regarde devant elle. Un temps long. Elle se redresse, pose les mains à plat sur le mamelon, rejette la tête en arrière et fixe le zénith. Un temps long.

WINNIE. — (Fixant le zénith.) Encore une journée divine. (Un temps. Elle ramène la tête à la verticale, regarde devant elle. Un temps. Elle joint les mains, les lève devant sa poitrine, ferme les yeux. Une prière inaudible remue ses lèvres, cinq secondes. Les lèvres s’immobilisent, les mains restent jointes. Bas.) Jésus-Christ Amen. (Les yeux s’ouvrent, les mains se disjoignent, reprennent leur place sur le mamelon. Un temps. Elle joint de nouveau les mains, les lève de nouveau devant sa poitrine. Une arrière-prière inaudible remue de nouveau ses lèvres, trois secondes. Bas.) Siècle des siècles Amen. (Les yeux s’ouvrent, les mains se disjoignent, reprennent leur place sur le mamelon. Un temps.) Commence, Winnie. (Un temps.) Commence ta journée, Winnie. (Un temps. Elle se tourne vers le sac, farfouille dedans sans le déplacer, en sort une brosse à dents, farfouille de nouveau, sort un tube de dentifrice aplati, revient de face, dévisse le capuchon du tube, dépose le capuchon sur le mamelon, exprime non sans mal un peu de pâte sur la brosse, garde le tube dans une main et se brosse les dents de l'autre. Elle se détourne pudiquement, en se renversant en arrière et à sa droite, pour cracher derrière le mamelon. Elle a ainsi Willie sous les yeux. Elle crache, puis se renverse un peu plus.)

Samuel Beckett
Oh les beaux jours, Acte I « Scène d’exposition »
Première représentation en 1961, parution française en 1963.