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BAUDELAIRE a 35 ans lorsqu’a lieu la 1ère parution de son recueil Les Fleurs du mal. Même s’il avait écrit la plupart de ses poèmes dix ans plus tôt, ce n’est que tardivement qu’il songe à les réunir et à les éditer. Son projet de publication a connu un parcours assez chaotique. Il connaît : des difficultés à trouver un titre – il a hésité entre Les Limbes, puis Les Lesbiennes -, des difficultés à créer aussi – c’est une longue période de Spleen qu’il vivra - des difficultés vis à vis de la justice qui s’attaque au poète pour faire condamner Les Fleurs du mal. Le titre de son recueil ne laisse pas le lecteur indifférent : le paradoxe qui est mis en relief est révélateur de la structure de l’œuvre et de ses inspirations. Il va choquer les bien-pensants en bouleversant toute la tradition littéraire et montrer qu’une beauté propre au Mal existe. Il apparaît comme celui qui transforme le monde à la manière d’un alchimiste : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or », dit-il. Son travail va bien évidemment susciter des animosités et la censure s’abat sur lui. Il fait face à un procès en 1857, qui lui impose le retrait de six pièces de cette 1ère édition qui en comporte cent (nombre emblématique pour lui). Il est très affecté par cette décision mais réfléchit au projet de sa 2ème édition –celle de 1861- à laquelle il va offrir une nouvelle structure : il ajoute une nouvelle section « Tableaux parisiens » qui prendrait en quelque sorte la place des pièces condamnées et s’installera tout de suite après « Spleen et Idéal », précédant « Le Vin », « Fleurs du Mal », « Révolte » et « La Mort ». Au total son nouveau projet rassemble 126 poèmes : un recueil complet que BAUDELAIRE aimerait qu’ « on reconnaisse qu’il n’est pas un pur album, mais qu’il a un commencement et une fin ».

« L’Invitation au voyage » est un poème extrait du recueil Les Fleurs du Mal, publié par Charles BAUDELAIRE en 1857. Il s’inscrit dans la section intitulée « Spleen et Idéal », dans laquelle s'affrontent les deux aspects contradictoires de la sensibilité du poète : le penchant pour la mélancolie et l'aspiration vers l'Idéal. L'amour, qui est l'un des thèmes privilégiés du recueil, permet d’évoquer deux aspirations : en effet, il exprime à la fois non seulement le désir de descendre dans la luxure et la débauche, mais aussi le désir de s'élever à une forme de spiritualité amoureuse. Ce 49 ème poème semble devoir se rattacher à l' « idéal » plus qu'au « spleen ». Le poète propose ici à la femme aimée de se rendre dans un pays lointain et rêvé ; il l'invite à imaginer avec lui un pays parfait, où ils pourraient vivre un amour à la fois sensuel et spirituel. Le poète s’adresse directement à sa bien-aimée, persuadé qu’elle le suivra car elle partage cet amour. On peut penser que ce poème est inspiré par Marie Daubrun, jeune actrice que BAUDELAIRE aima.


http://heda.cndp.fr/gothique.php?notice=70&projet=2
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/spleen_quand_le_ciel_bas_et_lourd_pese_comme_un_couvercle.html

1
Mon enfant, ma soeur,
 
Songe à la douceur,
 
D'aller là-bas vivre ensemble !
 
Aimer à loisir,
 
Aimer et mourir
 
Au pays qui te ressemble !
 
Les soleils mouillés
 
De ces ciels brouillés
 
Pour mon esprit ont les charmes
 
Si mystérieux
 
De tes traîtres yeux,
 
Brillant à travers leurs larmes,

13
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
 
Luxe, calme et volupté.

15
Des meubles luisants,
 
Polis par les ans,
 
Décoreraient notre chambre ;
 
Les plus rares fleurs
 
Mêlant leurs odeurs
 
Aux vagues senteurs de l'ambre,
 
Les riches plafonds,
 
Les miroirs profonds,
 
La splendeur orientale,
 
Tout y parlerait
 
A l'âme en secret
 
Sa douce langue natale.

27
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
 
Luxe, calme et volupté.

29
Vois sur ces canaux
 
Dormir ces vaisseaux
 
Dont l'humeur est vagabonde ;
 
C'est pour assouvir
 
Ton moindre désir
 
Qu'ils viennent du bout du monde.
 
- Les soleils couchants
 
Revêtent les champs,
 
Les canaux, la ville entière,
 
D' hyacinthe et d' or ;
 
Le monde s' endort
 
Dans une chaude lumière.

41
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
 
Luxe, calme et volupté.


Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal, « Spleen et Idéal » « L'Invitation au voyage »
1857