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Édouard-Joachim Corbière, dit Tristan Corbière, est un poète français qui, de santé fragile et moqué pour son physique disgracieux, connait une vie brève, solitaire et misérable. Il se réfugie dans la lecture des œuvres de Victor Hugo, d’Alfred de Musset et de Charles Baudelaire dont il s’inspire. Son unique recueil Les Amours jaunes, publié en 1873, se compose de 101 poèmes de formes variables et se divise en 7 sections. Ignorée lors de sa parution, mais rendue célèbre par le poète Paul Verlaine, l’œuvre de Corbière sera reconnue bien plus tard comme moderne, précurseure du symbolisme et louée par les surréalistes.

Le XIXème siècle vit une période de grands bouleversements tant au niveau politique qu’artistique. Les romantiques, au début du siècle, centrent leur poésie sur le « moi » et les sentiments exacerbés posant ainsi les jalons d’une poésie traditionnelle dite lyrique. Les parnassiens en réaction aux romantiques, revendiquent une poésie désintéressée et fondée uniquement sur le beau célébrant alors « l’art pour l’art ». Tristan Corbière, héritier de ces deux mouvements, souhaite respecter une esthétique classique tout en jouant avec les codes de la poésie. Le titre de son recueil est un véritable pied de nez au lyrisme des romantiques et à la poésie artistique des parnassiens. Corbière propose une poésie innovante, certes inspirée des formes traditionnelles poétiques (le poème est en octosyllabes) mais empreinte de dérision, de jeux de mots et d’ironie entraînant un « rire jaune » chez son lecteur.


Les Poètes maudits : Les Poètes maudits | BnF Essentiels
Tristan Corbière image : Tristan Corbière dans Les Poètes maudits | BnF Essentiels
Lecture du poème par les voix de la Comédie Française : https://www.youtube.com/watch?v=x20QJTX12FE

1
Un chant dans une nuit sans air…
 
— La lune plaque en métal clair
 
Les découpures du vert sombre.

4
… Un chant ; comme un écho, tout vif
 
Enterré, là, sous le massif…
 
— Ça se tait : Viens, c’est là, dans l’ombre…

7
— Un crapaud ! — Pourquoi cette peur,
 
Près de moi, ton soldat fidèle !
 
Vois-le, poète tondu, sans aile,
 
Rossignol de la boue… — Horreur ! —

11
… Il chante. — Horreur !! — Horreur pourquoi ?
 
Vois-tu pas son œil de lumière…
 
Non : il s’en va, froid, sous sa pierre.
 
…………………………………………………
 
Bonsoir — ce crapaud-là c’est moi.

16
(Ce soir, 20 Juillet.)


Tristan Corbière
Les Amours jaunes , « Le Crapaud » 
1873