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Corneille, dramaturge du 17e siècle, a écrit des œuvres théâtrales de genres différents. Il est aussi connu pour ses discours théoriques sur le théâtre. Son œuvre dramatique est constituée de tragédies, comme Horace ou Cinna. Il a écrit de nombreuses comédies. Il a inventé la tragi-comédie avec Le Cid. Il s’est inspiré de dramaturges espagnols, y compris pour écrire Le Menteur, pièce appartenant à la fois au classicisme et au baroque. La pièce évoque Dorante, un menteur habile et inventif, arrivant de Poitiers, et pressé de rencontrer de jeunes Parisiennes, avant de se marier selon les attentes de Géronte, son père.

L’extrait est l’avant-dernière scène du dénouement, reposant sur un nouveau coup de théâtre, de cette pièce écrite en alexandrins. Tous les personnages de la pièce ne sont pas présents, mais simplement Dorante, son valet Cliton, et les deux jeunes Parisiennes, Clarice, Lucrèce, au centre de l’intrigue amoureuse. Est présente aussi la femme de chambre de Lucrèce, Sabine, que Dorante a payée pour qu’il lui rende service. Dorante a menti à Clarice, que Géronte son père veut qu’il épouse, et à Lucrèce qu’il avoue aimer. Il leur a menti pour les séduire toutes les deux. Dorante qui n’assume pas ses mensonges en invente d’autres pour garder la tête haute et rester impuni. Cette scène constitue l’ultime mensonge de Dorante.

CLARICE, LUCRECE, DORANTE, SABINE, CLITON

CLARICE-Pourquoi, si vous m’aimez, feindre un hymen en l’air, Quand un père pour vous est venu me parler ?
Quel fruit de cette fourbe osez-vous vous promettre ?

LUCRÈCE (à Dorante)-Pourquoi, si vous l’aimez, m’écrire cette lettre ?
DORANTE (à Lucrèce)-J’aime de ce courroux les principes cachés : Je ne vous déplais pas, puisque vous vous fâchez.
Mais j’ai moi-même enfin assez joué d’adresse :
Il faut vous dire vrai, je n’aime que Lucrèce.

CLARICE (à Lucrèce)-Est-il un plus grand fourbe ? Et peux-tu l’écouter ?
DORANTE (à Lucrèce).-Quand vous m’aurez ouï, vous n’en pourrez douter. Sous votre nom, Lucrèce, et par votre fenêtre,
Clarice m’a fait pièce, et je l’ai su connaître ;
Comme en y consentant vous m’avez affligé,
Je vous ai mise en peine, et je m’en suis vengé.

LUCRÈCE-Mais que disiez-vous hier dedans les Tuileries ?
DORANTE-Clarice fut l’objet de mes galanteries…
CLARICE (à Lucrèce)-Veux-tu longtemps encore écouter ce moqueur ?
DORANTE (à Lucrèce)-Elle avait mes discours, mais vous aviez mon cœur, Où vos yeux faisaient naître un feu que j’ai fait taire,
Jusqu’à ce que ma flamme ait eu l’aveu d’un père :
Comme tout ce discours n’était que fiction,
Je cachais mon retour et ma condition.

CLARICE (à Lucrèce)-Vois que fourbe sur fourbe à nos yeux il entasse Et ne fait que jouer des tours de passe-passe.

DORANTE (à Lucrèce)-Vous seule êtes l’objet dont mon cœur est charmé.

Pierre Corneille
Le Menteur , Acte V, scène 6 
1644