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La volonté de Baudelaire dans ce recueil de disposer les poèmes dans un ordre précis mais « fondé sur la domination du hasard » tient à sa conception de l’œuvre moderne. S’il s’inscrit encore pour beaucoup dans le romantisme, il impose de nouveaux rapports entre l’émotion et le langage et expose la dure réalité du monde, sans fards. Les cinq sections originelles « Spleen et Idéal », « Le Vin », « Fleurs du mal », « Révolte » et « La Mort » (1857) auxquels s’adjoignent plus tardivement « Les Tableaux parisiens » (1861) montrent les désillusions du poète. Le recueil fit scandale et un article du Figaro particulièrement vif défère le poète devant les tribunaux. Il est condamné pour offense à la morale publique et six poèmes seront immédiatement censurés avant d’être réintroduits ultérieurement. Parallèlement, le poète devient un critique d’art et de littérature et un traducteur. La révolte et l’envie de déplaire que l’on sent en lui tient pour certains à sa haine pour un beau-père qui a pris la place d’un père idéalisé, mort trop tôt. Pour d’autres, il s’agirait d’exprimer sa fureur contre la faiblesse du peuple qui accepte le coup d’état de Napoléon en 1851 qui le maintient au pouvoir.

Dixième poème de la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal, ce sonnet s’inscrit dans le thème général de la section qui traite des douleurs liées à un idéal impossible à atteindre ou perdu. Baudelaire réinvente l’écriture de la conscience du temps qu’ont développée les Romantiques.


La Mort et le fossoyeur du peintre Carlos Schwabe : http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/expositions/au-musee-dorsay/presentation-generale/article/symbolisme-et-naturalisme-carlos-schwabe-illustrateur-du-reve-de-zola-4134.html?S=&cHash=ebd5ba2a92&print=1&no_cache=1&
La persistance de la Mémoire, Dali : http://www.moma.org/collection/works/79018?locale=fr
Saturne dévorant ses fils, Goya : http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/saturne-devorant-l-un-de-ses-enfants

1
Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
 
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
 
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
 
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

5
Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
 
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
 
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
 
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

9
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
 
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
 
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

12
– Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
 
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
 
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !


Charles Baudelaire
Les Fleurs du mal, « Spleen et Idéal » « L'ennemi »
1855