Taille texte


Espace lettres


Espace mots


Espace lignes

Juste la fin du monde met en scène Louis, âgé de trente-quatre ans, qui retourne auprès de sa famille après plusieurs années d’absence afin de leur annoncer sa « mort prochaine et irrémédiable », conséquence d’une maladie qui ne sera jamais nommée. Ces retrouvailles ravivent de vieilles tensions familiales, cristallisent des années de non-dits et de reproches, auprès de chacun des membres de la famille. La pièce écrite en 1990, alors que Lagarce se sait malade, ne sera pas jouée de son vivant, mais en 1999, quatre ans après sa mort. Elle rentre au répertoire de la Comédie française en 2008. Elle est composée d’un « Prologue », de deux « parties » entrecoupées par un « intermède » et s’achève sur un « Epilogue ».

Il s’agit de la dernière scène avant l’épilogue de la pièce. Antoine, le frère cadet qui est resté près de sa famille, s’est marié à Catherine et a eu deux enfants, vient de laisser exploser sa colère. Quelque peu apaisé, il se livre longuement à son frère aîné, celui qui s’est éloigné pour vivre sa vie. Il s’agit de la fin d’une très longue tirade.


Lagarce, Juste la fin du monde, un théâtre de la crise : https://eduscol.education.fr/odysseum/juste-la-fin-du-monde-de-jean-luc-lagarce-un-theatre-de-la-crise
Mise en scène de Juste la fin du monde par Jean-Charles Mouveaux : https://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Juste-la-fin-du-monde-1170/videos/media/Extrait-3-Debut-de-l-intermede-1143
Juste la fin du monde à la Comédie Française, 2008 : https://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes00026/juste-la-fin-du-monde-a-la-comedie-francaise.html
Xavier Dolan pour Juste la fin du monde : https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-22-septembre-2016
Dossier sur la pièce, mise en scène par François Berreur https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/mise-en-scene/juste-la-fin-du-monde/jean-luc-lagarce-1/francois-berreur.html#nullPart
Mise en scène de Jean-Charles Mouveaux, 2017 : https://www.youtube.com/watch?v=6aIoSruOm0o
Très bonne lecture « à la table » de la Comédie française, 2020 : https://www.youtube.com/watch?v=EX4MzDYeBeQ&t=2023s


ANTOINE. - […]
Tu es là devant moi,
je savais que tu serais ainsi, à m’accuser sans mot,
à te mettre debout devant moi pour m’accuser sans mot,
et je te plains, et j’ai de la pitié pour toi, c’est un vieux mot,
mais j’ai de la pitié pour toi,
et de la peur aussi, et de l’inquiétude,
et malgré toute cette colère, j’espère qu’il ne t’arrive rien
de mal,
et je me reproche déjà
(tu n’es pas encore parti)
le mal aujourd’hui que je te fais.

Tu es là,
tu m’accables, on ne peut plus dire ça,
tu m’accables,
tu nous accables,
je te vois, j’ai encore plus peur pour toi que lorsque j’étais
enfant,
et je me dis que je ne peux rien reprocher à ma propre
existence,
qu’elle est paisible et douce
et que je suis un mauvais imbécile qui se reproche déjà
d’avoir failli se lamenter,
alors que toi,
silencieux, ô tellement silencieux,
bon, plein de bonté,
tu attends, replié sur ton infinie douleur intérieure dont je
ne saurais pas même imaginer le début du début.
Je ne suis rien,
je n’ai pas le droit,
et lorsque tu nous quitteras encore, que tu me laisseras,
je serai moins encore,
juste là à me reprocher les phrases que j’ai dites,
à chercher à les retrouver avec exactitude,
moins encore,
avec juste le ressentiment,
le ressentiment contre moi-même.

Jean-Luc LAGARCE
Juste la fin du monde , Deuxième partie, Scène 3 (Extrait de la longue tirade d’Antoine)
1990