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S’il n’est pas besoin de présenter Marguerite Yourcenar, première immortelle élue à l’Académie française, il convient de rappeler que sa renommée doit beaucoup à cette biographie fictive mais à haute valeur historique, conçue dix ans après la deuxième guerre mondiale et traduite en plusieurs langues. Yourcenar y laisse sa voix à Hadrien, empereur réel qui a régné, à cheval sur le premier et le deuxième siècle après Jésus Christ, sur un immense empire, allant de l’Ecosse à l’Egypte, et de la méditerranée au Danube. Mais surtout, cet empire a été en paix, et dans ces lendemains de guerre, Yourcenar y cherche une diagonale de perspective pour jauger les temps actuels. Le véritable Hadrien n’était pas écrivain. Il nous a laissé quelques vers dont elle orne ses débuts de chapitres « animula, vagula, blandula »… Mais il fut homme d’action, politicien, légiste, gardien d’une civilisation. Elle fait de lui une pensée avisée, fruit d’une vie dédiée à l’action politique, et une voix méditative, adressée, à travers l’interlocuteur « Marc », Marc-Aurèle, à nous tous.
Dans cet incipit, contrairement aux traditions de l’autobiographie, Hadrien ne commence pas par son début de vie, mais par le milieu, c'est-à-dire le présent. C’en est aussi la fin, puisque l’homme a alors 60 ans, un grand âge dans l’Antiquité. Il décrit la scène qui le fait rencontrer son médecin pour un examen alarmiste : signe qu’est venu le temps des bilans. Un présent de l’écriture quasi immédiat (je suis descendu ce matin) nous fait comprendre qu’il prend la plume juste après. L’enjeu de la scène est double : nous faire entrer, lecteur du XX°s, dans l’intimité d’un homme de l’Antiquité. Et faire de ce réel un univers le plus sensible possible.