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L’Ingénu est un conte philosophique qui raconte les aventures d’un Huron, un Indien du Canada, qui débarque sur les côtes bretonnes. Voltaire utilise le regard de son personnage étranger, prompt à s’enflammer, téméraire et plein de bon sens, pour évoquer les sujets de réflexion qui préoccupent le philosophe des Lumières.

L’Ingénu et Mlle de Saint-Yves s’aiment, mais elle est sa marraine et il ne peut l’épouser. S’étant battu avec courage contre les Anglais, le héros se rend à Versailles, espérant être récompensé, mais on l’enferme à la Bastille de façon injuste. Mlle de Saint-Yves va à la Cour pour tenter de le faire libérer. On lui conseille de solliciter la grâce d’un certain Saint-Pouange qui, dans le chapitre 15, lui propose d’accéder à sa demande si elle « commenc[e] par lui donner les prémices de ce qu’elle réservait à son amant », c’est-à-dire de s’abandonner physiquement à lui. Offusquée, elle résiste et demande conseil à son confesseur, le père jésuite Tout-à-tous.


Page d’accueil de l’exposition virtuelle sur les Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/index.htm
Esprit des Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/02.htm
Principe et idéaux : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/03.htm
Actualité des Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/00.htm
Les Lumières et le temps présent : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/05.htm
Voltaire, figure des Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/figures/24.htm

« Voilà un abominable pécheur ! lui dit le père Tout-à-tous. Vous devriez bien me dire le nom de ce vilain homme : c’est à coup sûr quelque janséniste ; je le dénoncerai à Sa Révérence le père de La Chaise, qui le fera mettre dans le gîte où est à présent la chère personne que vous devez épouser. »
La pauvre fille, après un long embarras et de grandes irrésolutions, lui nomma enfin Saint-Pouange.
« Monseigneur de Saint-Pouange ! s’écria le jésuite ; ah ! ma fille, c’est tout autre chose ; il est cousin du plus grand ministre que nous ayons jamais eu, homme de bien, protecteur de la bonne cause, bon chrétien ; il ne peut avoir eu une telle pensée ; il faut que vous ayez mal entendu. — Ah ! mon père, je n’ai entendu que trop bien ; je suis perdue, quoi que je fasse ; je n’ai que le choix du malheur et de la honte : il faut que mon amant reste enseveli tout vivant, ou que je me rende indigne de vivre. Je ne puis le laisser périr, et je ne puis le sauver. »
Le père Tout-à-tous tâcha de la calmer par ces douces paroles :
« Premièrement, ma fille, ne dites jamais ce mot mon amant ; il y a quelque chose de mondain qui pourrait offenser Dieu : dites mon mari ; car, bien qu’il ne le soit pas encore, vous le regardez comme tel ; et rien n’est plus honnête.
« Secondement, bien qu’il soit votre époux en idée, en espérance, il ne l’est pas en effet : ainsi vous ne commettriez pas un adultère, péché énorme qu’il faut toujours éviter autant qu’il est possible.
« Troisièmement, les actions ne sont pas d’une malice de coulpe quand l’intention est pure, et rien n’est plus pur que de délivrer votre mari.
« Quatrièmement, vous avez des exemples dans la sainte antiquité qui peuvent merveilleusement servir votre conduite. […] »

Voltaire
L'Ingénu, (chapitre 16) « Elle consulte un jésuite »
1767