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L’Ingénu est un conte philosophique qui raconte les aventures d’un Huron, un Indien du Canada, qui débarque sur les côtes bretonnes. Voltaire utilise le regard de son personnage étranger, prompt à s’enflammer, téméraire et plein de bon sens, pour évoquer les sujets de réflexion qui préoccupent le philosophe des Lumières. Derrière l’étonnement et les réactions de son héros ingénu pointe la critique.

Dans le chapitre 7, l’Ingénu s’est battu contre les Anglais qui ont débarqué sur les côtes bretonnes, et l’exemple de son courage a permis à l’armée française de les repousser. On lui conseille alors de se rendre à Versailles pour « recevoir le prix de ses services ». Il espère obtenir un titre militaire qui lui permettrait d’épouser celle qu’il aime, Mlle de Saint-Yves.


Page d’accueil de l’exposition virtuelle sur les Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/index.htm
Esprit des Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/02.htm
Principe et idéaux : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/03.htm
Actualité des Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/00.htm
Les Lumières et le temps présent : http://expositions.bnf.fr/lumieres/arret/05.htm
Voltaire, figure des Lumières : http://expositions.bnf.fr/lumieres/figures/24.htm

L’Ingénu débarque en pot de chambre dans la cour des cuisines. Il demande aux porteurs de chaise à quelle heure on peut voir le roi. Les porteurs lui rient au nez, tout comme avait fait l’amiral anglais. Il les traita de même, il les battit ; ils voulurent le lui rendre, et la scène allait être sanglante s’il n’eût passé un garde du corps, gentilhomme breton, qui écarta la canaille. « Monsieur, lui dit le voyageur, vous me paraissez un brave homme ; je suis le neveu de M. le prieur de Notre-Dame de la Montagne ; j’ai tué des Anglais, je viens parler au roi : je vous prie de me mener dans sa chambre. » Le garde, ravi de trouver un brave de sa province, qui ne paraissait pas au fait des usages de la cour, lui apprit qu’on ne parlait pas ainsi au roi, et qu’il fallait être présenté par Mgr de Louvois. « Eh bien ! menez-moi donc chez ce Mgr de Louvois, qui sans doute me conduira chez Sa Majesté. — Il est encore plus difficile, répliqua le garde, de parler à Mgr de Louvois qu’à Sa Majesté. Mais je vais vous conduire chez M. Alexandre, le premier commis de la guerre : c’est comme si vous parliez au ministre. » Ils vont donc chez ce M. Alexandre, premier commis, et ils ne purent être introduits ; il était en affaire avec une dame de la cour, et il y avait ordre de ne laisser entrer personne. « Eh bien ! dit le garde, il n’y a rien de perdu ; allons chez le premier commis de M. Alexandre : c’est comme si vous parliez à M. Alexandre lui-même. »
Le Huron, tout étonné le suit ; ils restent ensemble une demi-heure dans une petite antichambre. « Qu’est-ce donc que tout ceci ? dit l’Ingénu ; est-ce que tout le monde est invisible dans ce pays-ci ? Il est bien plus aisé de se battre en Basse-Bretagne contre les Anglais que de rencontrer à Versailles les gens à qui on a affaire. » Il se désennuya en racontant ses amours à son compatriote.

Voltaire
L'Ingénu, (chapitre 9) « Arrivée de l’Ingénu à Versailles. Sa réception à la cour »
1767