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Le Rouge et le Noir raconte l’ascension sociale, sous la Restauration, de Julien Sorel, un jeune séminariste issu d’un milieu modeste. Passionné par les livres, dont les mémoires de Napoléon à qui il voue un culte, il met tout en œuvre pour satisfaire son ambition.

Julien, jeune séminariste (élève étudiant dans un établissement religieux appelé séminaire pour devenir prêtre, Livre I), entre sur une recommandation au service du Marquis de la Mole comme secrétaire (Livre II) : il devient l’amant de sa fille Mathilde. Quand celle-ci tombe enceinte, le Marquis promeut Julien lieutenant de hussards. Madame de Rênal, ancienne amante de Julien, dénonce dans une lettre son ambition : celui-ci se précipite à Verrières et dans l’église, tire sur elle deux coups de pistolet. Julien est arrêté, jugé, condamné à mort. Fouqué, un ami, a récupéré son corps. Mathilde l’a rejoint. On assiste aux funérailles de Julien.


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Fouqué réussit dans cette triste négociation. Il passait la nuit seul dans sa chambre, auprès du corps de son ami, lorsqu’à sa grande surprise, il vit entrer Mathilde. Peu d’heures auparavant, il l’avait laissée à dix lieues de Besançon. Elle avait le regard et les yeux égarés.
— Je veux le voir, lui dit-elle.
Fouqué n’eut pas le courage de parler ni de se lever. Il lui montra du doigt un grand manteau bleu sur le plancher ; là était enveloppé ce qui restait de Julien.
Elle se jeta à genoux. Le souvenir de Boniface de La Mole et de Marguerite de Navarre lui donna sans doute un courage surhumain. Ses mains tremblantes ouvrirent le manteau. Fouqué détourna les yeux.
Il entendit Mathilde marcher avec précipitation dans la chambre. Elle allumait plusieurs bougies. Lorsque Fouqué eut la force de la regarder, elle avait placé sur une petite table de marbre, devant elle, la tête de Julien, et la baisait au front…
Mathilde suivit son amant jusqu’au tombeau qu’il s’était choisi. Un grand nombre de prêtres escortaient la bière et, à l’insu de tous, seule dans sa voiture drapée, elle porta sur ses genoux la tête de l’homme qu’elle avait tant aimé.
Arrivés ainsi vers le point le plus élevé d’une des hautes montagnes du Jura, au milieu de la nuit, dans cette petite grotte magnifiquement illuminée d’un nombre infini de cierges, vingt prêtres célébrèrent le service des morts. Tous les habitants des petits villages de montagne traversés par le convoi l’avaient suivi, attirés par la singularité de cette étrange cérémonie.
Mathilde parut au milieu d’eux en longs vêtements de deuil, et, à la fin du service, leur fit jeter plusieurs milliers de pièces de cinq francs.
Restée seule avec Fouqué, elle voulut ensevelir de ses propres mains la tête de son amant. Fouqué faillit en devenir fou de douleur.
Par les soins de Mathilde, cette grotte sauvage fut ornée de marbres sculptés à grands frais, en Italie.
Madame de Rênal fut fidèle à sa promesse. Elle ne chercha en aucune manière à attenter à sa vie ; mais trois jours après Julien, elle mourut en embrassant ses enfants.
FIN

Stendhal
Le Rouge et le Noir , In Livre Second, chapitre XLV (L’excipit du roman)
1830