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Le Dieu du carnage est une pièce de théâtre qui fonctionne sur le mode du huis-clos. Elle met en scène une rencontre entre deux couples, Alain et Annette REILLE parents d’un petit Ferdinand qui, « muni d’un bâton », a frappé au visage Bruno, le fils de Véronique et Michel HOUILLIÉ. Ces derniers ont invité les REILLE chez eux pour rédiger une déclaration des faits. L’alcool aidant, l’altercation entre les deux enfants deviendra le point de départ d’importantes dissensions entre les couples ou en leur sein, chacun des personnages dévoilera progressivement ses convictions réelles.

L’extrait se situe au cœur de la pièce. Plus tôt, le spectateur a appris que Michel s’est lâchement débarrassé du hamster de son fils en le jetant dans la rue, pensant que « ces animaux aimaient les caniveaux, les égouts ». Commentée avec réserve dans un premier temps par Véronique et Annette, cette affaire resurgit un peu plus tard alors que les REILLE semblaient sur le départ. On assiste au dialogue entre les quatre parents.


Yasmina Reza parle de l’écriture théâtrale : https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001601/l-ecriture-theatrale-pour-yasmina-reza.html
Yasmina Reza évoque la pièce : http://classiquesetcontemporains.com/interviews/yasmina-reza-parle-du-dieu-du-carnage
Mise en scène de Georges Guerreiro (scène correspondante à partir de 43 :32) : https://vimeo.com/185297315


MICHEL. Je pensais que le hamster serait heureux en liberté, pour moi il allait se mettre à courir dans le caniveau ivre de joie !
VÉRONIQUE. Il ne l’a pas fait.
ANNETTE. Et vous l’avez abandonné.
MICHEL. Je ne peux pas toucher ces bêtes ! Je ne peux pas toucher cette famille-là, merde, tu le sais bien Véro !
VÉRONIQUE. Il a peur des rongeurs.
MICHEL. Oui, je suis effrayé par les rongeurs, les reptiles me terrorisent, je n’ai aucune affinité avec ce qui est près du sol ! Voilà !
ALAIN, à Véronique. Et vous, pourquoi vous n’êtes pas descendue le chercher ?
VÉRONIQUE. Mais j’ignorais tout voyons ! Michel nous a dit aux enfants et à moi que le hamster s’était enfui le lendemain matin. Je suis descendue tout de suite, tout de suite, j’ai fait le tour du pâté, je suis même allée à la cave.
MICHEL. Véronique, je trouve odieux d’être subitement sur la sellette pour cette histoire de hamster que tu as cru bon de raconter. C’est une affaire personnelle qui ne regarde que nous et qui n’a rien à voir avec la situation présente ! Et je trouve inconcevable de me faire traiter d’assassin ! Dans ma maison !
VÉRONIQUE. Qu’est-ce que ta maison a à voir là-dedans ?
MICHEL. Une maison dont j’ouvre les portes, dont j’ouvre grand les portes dans un esprit de conciliation, à des gens qui devraient m’en savoir gré !
ALAIN. Vous continuez à vous jeter des fleurs, c’est merveilleux.
ANNETTE. Vous n’éprouvez pas de remords ?
MICHEL. Je n’éprouve aucun remords. Cet animal m’a toujours répugné. Je suis ravi qu’il ne soit plus là.
VÉRONIQUE. Michel c’est ridicule.
MICHEL. Qu’est-ce qui est ridicule ? Tu deviens folle toi aussi ? Leur fils tabasse Bruno et on me fait chier pour un hamster ?
VÉRONIQUE. Tu t’es très mal comporté avec ce hamster, tu ne peux pas le nier.
MICHEL. Je me fous de ce hamster !
VÉRONIQUE. Tu ne pourras pas t’en foutre ce soir avec ta fille.
MICHEL. Qu’elle vienne celle-là ! Je ne vais pas me faire dicter ma conduite par une morveuse de neuf ans !

Yasmina Reza
Le Dieu du carnage , Au cœur de la pièce. ( Cette histoire de hamster )
2007