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Yasmina Reza obtient la reconnaissance du public dès sa première pièce, Conversations après un enterrement, créée le 15 janvier 1987 au théâtre Paris-Villette. Nathan, Édith et Alex, quadragénaires, viennent d’enterrer leur père dans la propriété familiale, à la campagne. Accompagnés de leur oncle maternel Pierre, de son épouse Julienne peu intégrée à cette famille, ils ressassent leurs rancœurs, leurs échecs sentimentaux et leurs déceptions professionnelles. La présence inopinée d’Élisa qui a vécu avec Alex pendant trois ans puis est devenue la maîtresse de Nathan pour une nuit, éveille la rivalité latente des deux frères. La préparation collective d’un pot-au-feu permet au quotidien de s’insinuer dans une réflexion plus existentielle.
La scène se passe sur la terrasse, devant la maison familiale où
se sont rassemblés les membres de la famille. Édith a attendu que les autres membres
de la famille soient rentrés pour avoir un entretien avec son frère aîné, Nathan. Il
s’agit d’un dialogue entre Édith et son frère Nathan qui font référence à une
situation connue des personnages comme des spectateurs.
Accessoires : des
chaises qu’Édith déplace. Il est également question de gouttes de pluie.
Présentation de l’auteure :
https://www.theatre-contemporain.net/biographies/Yasmina-Reza/presentation/
Photos de mise en scène :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9002184z
Master-class sur France Culture (09-04-2020)
https://www.franceculture.fr/emissions/les-masterclasses/yasmina-reza-les-mots-sont-des-parentheses-du-silence
archives INA : Yasmina Réza parle de Conversations après un enterrement
https://video-streaming.orange.fr/actu-politique/yasmina-reza-conversations-apres-un-enterrement-CNT000001eadQP.html
archives INA : extrait de mise en scène de la pièce
https://video-streaming.orange.fr/actu-politique/theatre-conversation-apres-un-enterrement-CNT000001ea3Ur.html?pid=SIl2WFC2AZWzJ7qSByljitF90Oyhq%2FuTijjNVTqW8eXVInz8EpJ%2Bzdo6BrMN2gh7cg2tsYGDuns%3D#plmAnchor
Bande-annonce du film Un air de famille de Cédric Klapisch (1996)
https://www.youtube.com/watch?v=zHIQeEz-wEM
Yasmina Reza et l ‘écriture théâtrale
https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000001601/l-ecriture-theatrale-pour-yasmina-reza.html
Scène 8
[…]
ÉDITH. Dis-moi.
NATHAN. Toi d’abord…
ÉDITH. Il pleut…
NATHAN. Non…
ÉDITH. Si, j’ai reçu une goutte…Tu m’aides à ranger les chaises ?
NATHAN. Qu’est-ce qu’il y a ? Un temps.
ÉDITH. Tu étais avec Élisa ?
NATHAN. Oui.
ÉDITH. Elle est allée te rejoindre ?
NATHAN. Oui !
ÉDITH. Alex a dit à Julienne que tu te tapais Élisa. Je cite mot pour mot…
NATHAN. C’est ça que tu voulais me dire ?
ÉDITH. Oui.
NATHAN. Et alors ?
ÉDITH. Et alors, tu trouves ça normal !
NATHAN. Normal quoi ? C’est la phrase qui te gêne, ou l’idée qu’elle implique ?
ÉDITH. Tu es monstrueux…
NATHAN. Écoute-moi Édith, jusqu’à présent cette journée se déroule sans bouleversements, si je puis dire… Arrête avec ces chaises !... Nous sommes des gens civilisés, nous souffrons avec des règles, chacun retient son souffle, pas de tragédie… Pourquoi au fond ? Je n’en sais rien, mais c’est comme ça. Toi et moi, nous participons à cet effort de dignité… Nous sommes discrets, « élégants », nous sommes parfaits… Alex n’est pas moins civilisé mais son orgueil est ailleurs… Ailleurs.
ÉDITH. Pourquoi tu le défends ?
NATHAN. Je ne le défends pas… Qu’il aille dire à cette pauvre Julienne que je me tape Élisa, ça fait partie de sa nature, mais que toi tu me le répètes en aparté comme à l’école, comme une gamine, que ce soit un souci pour toi, aujourd’hui, je ne comprends pas… Silence.
ÉDITH. Je te l’ai répété pour que tu saches quel était l’état d’esprit d’Alex… Elle est folle d’être venue aujourd’hui.
NATHAN. Non.
ÉDITH. Si.
NATHAN. Mais non. Tu me l’as répété par curiosité. Parce que tu avais un doute… (Il s’approche d’elle et la prend dans ses bras.) … Hein ?... (Il l’embrasse et lui caresse tendrement les cheveux.)
ÉDITH. Tu l’aimes encore ?
NATHAN. C’est ça que tu voulais me dire. Édith s’écarte. Elle regarde autour d’elle, désorientée. Le temps a changé. Tout est gris. […]
[…]
ÉDITH. Dis-moi.
NATHAN. Toi d’abord…
ÉDITH. Il pleut…
NATHAN. Non…
ÉDITH. Si, j’ai reçu une goutte…Tu m’aides à ranger les chaises ?
NATHAN. Qu’est-ce qu’il y a ? Un temps.
ÉDITH. Tu étais avec Élisa ?
NATHAN. Oui.
ÉDITH. Elle est allée te rejoindre ?
NATHAN. Oui !
ÉDITH. Alex a dit à Julienne que tu te tapais Élisa. Je cite mot pour mot…
NATHAN. C’est ça que tu voulais me dire ?
ÉDITH. Oui.
NATHAN. Et alors ?
ÉDITH. Et alors, tu trouves ça normal !
NATHAN. Normal quoi ? C’est la phrase qui te gêne, ou l’idée qu’elle implique ?
ÉDITH. Tu es monstrueux…
NATHAN. Écoute-moi Édith, jusqu’à présent cette journée se déroule sans bouleversements, si je puis dire… Arrête avec ces chaises !... Nous sommes des gens civilisés, nous souffrons avec des règles, chacun retient son souffle, pas de tragédie… Pourquoi au fond ? Je n’en sais rien, mais c’est comme ça. Toi et moi, nous participons à cet effort de dignité… Nous sommes discrets, « élégants », nous sommes parfaits… Alex n’est pas moins civilisé mais son orgueil est ailleurs… Ailleurs.
ÉDITH. Pourquoi tu le défends ?
NATHAN. Je ne le défends pas… Qu’il aille dire à cette pauvre Julienne que je me tape Élisa, ça fait partie de sa nature, mais que toi tu me le répètes en aparté comme à l’école, comme une gamine, que ce soit un souci pour toi, aujourd’hui, je ne comprends pas… Silence.
ÉDITH. Je te l’ai répété pour que tu saches quel était l’état d’esprit d’Alex… Elle est folle d’être venue aujourd’hui.
NATHAN. Non.
ÉDITH. Si.
NATHAN. Mais non. Tu me l’as répété par curiosité. Parce que tu avais un doute… (Il s’approche d’elle et la prend dans ses bras.) … Hein ?... (Il l’embrasse et lui caresse tendrement les cheveux.)
ÉDITH. Tu l’aimes encore ?
NATHAN. C’est ça que tu voulais me dire. Édith s’écarte. Elle regarde autour d’elle, désorientée. Le temps a changé. Tout est gris. […]