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Hippolyte s’apprête à quitter la ville de Trézène sous prétexte de partir à la recherche de son père Thésée dont personne n’a de nouvelles. En réalité, il cherche à fuir Aricie dont il est amoureux, non seulement parce qu’il veut résister aux faiblesses de l’amour mais aussi parce que son père a interdit à cette jeune fille prisonnière de se marier et d’avoir une descendance. Phèdre, la jeune épouse de Thésée, s’est prise de passion pour son beau-fils qu’elle a tenté d’éloigner d’elle et qui l’évite. Sa passion est un temps rendue possible par la rumeur de la mort de Thésée. Le retour du roi va amplifier la culpabilité de Phèdre, déjà dévorée de jalousie face à l’amour désormais réciproque d’Hippolyte et Aricie.

Au retour de Thésée, Oenone accuse Hippolyte d’avoir voulu séduire la reine. Le roi maudit son fils sous l’effet de la colère. Phèdre aurait pu rétablir la vérité et sauver le prince mais elle laisse s’accomplir par jalousie la malédiction paternelle. Condamné à l’exil, Hippolyte demande à Aricie de le rejoindre aux portes de la ville, de l’épouser et de s’enfuir avec lui. La jeune fille accepte. Thésée est pris d’un doute : Oenone s’est noyée et il revient sur sa malédiction quand Théramène vient rapporter ce qu’il a vu.


Racine, Phèdre : Sarah Bernard dans Phèdre, document iconographique (1893) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438727f/f2.item.r=Racine,%20Jean%20ph%C3%A8dre


THÉRAMÈNE
[…]
J'ai vu, seigneur, j'ai vu votre malheureux fils
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, et sa voix les effraie ;
Ils courent : tout son corps n'est bientôt qu'une plaie.
De nos cris douloureux la plaine retentit.
Leur fougue impétueuse enfin se ralentit :
Ils s' arrêtent non loin de ces tombeaux antiques
Où des rois ses aïeux sont les froides reliques.
J'y cours en soupirant, et sa garde me suit :
De son généreux sang la trace nous conduit ;
Les rochers en sont teints ; les ronces dégouttantes
Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes.
J'arrive, je l'appelle ; et, me tendant la main,
Il ouvre un œil mourant qu'il referme soudain :
Le ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie.
Prends soin après ma mort de la triste Aricie.
Cher ami, si mon père un jour désabusé,
Plaint le malheur d'un fils faussement accusé,
Pour apaiser mon sang et mon ombre plaintive,
Dis-lui qu'avec douceur il traite sa captive ;
Qu'il lui rende... À ce mot, ce héros expiré
N'a laissé dans mes bras qu'un corps défiguré :
Triste objet où des dieux triomphe la colère,
Et que méconnaîtrait l'œil même de son père.

Jean Racine
Phèdre , acte V, scène 6 
1677