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Hippolyte s’apprête à quitter la ville de Trézène sous prétexte de partir à la recherche de son père Thésée dont personne n’a de nouvelles. En réalité, il cherche à fuir Aricie dont il est amoureux, non seulement parce qu’il veut résister aux faiblesses de l’amour mais aussi parce que son père a interdit à cette jeune fille prisonnière de se marier et d’avoir une descendance. Phèdre, la jeune épouse de Thésée, s’est prise de passion pour son beau-fils qu’elle a tenté d’éloigner d’elle et qui l’évite. Sa passion est un temps rendue possible par la rumeur de la mort de Thésée. Le retour du roi va amplifier la culpabilité de Phèdre, déjà dévorée de jalousie face à l’amour désormais réciproque d’Hippolyte et Aricie.

La mort de Thésée a libéré certains interdits : Hippolyte avoue son amour à Aricie et peu après, à la scène 5, Phèdre avoue indirectement sa passion au jeune prince.


Racine, Phèdre : Sarah Bernard dans Phèdre, document iconographique (1893) http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8438727f/f2.item.r=Racine,%20Jean%20ph%C3%A8dre


HIPPOLYTE
[…]
Vous voyez devant vous un prince déplorable,
D'un téméraire orgueil exemple mémorable.
Moi qui, contre l'amour fièrement révolté,
Aux fers de ses captifs ai longtemps insulté ;
Qui, des faibles mortels déplorant les naufrages,
Pensais toujours du bord contempler les orages ;
Asservi maintenant sous la commune loi,
Par quel trouble me vois-je emporté loin de moi ;
Un moment a vaincu mon audace imprudente,
Cette âme si superbe est enfin dépendante.
Depuis près de six mois, honteux, désespéré,
Portant partout le trait dont je suis déchiré,
Contre vous, contre moi, vainement je m'éprouve :
Présente, je vous fuis ; absente, je vous trouve ;
Dans le fond des forêts votre image me suit ;
La lumière du jour, les ombres de la nuit,
Tout retrace à mes yeux les charmes que j'évite ;
Tout vous livre à l'envi le rebelle Hippolyte.
Moi-même, pour tout fruit de mes soins superflus,
Maintenant je me cherche, et ne me trouve plus
Mon arc, mes javelots, mon char, tout m'importune ;
Je ne me souviens plus des leçons de Neptune :
Mes seuls gémissements font retentir les bois,
Et mes coursiers oisifs ont oublié ma voix.
Peut-être le récit d'un amour si sauvage
Vous fait, en m'écoutant, rougir de votre ouvrage.
D'un cœur qui s'offre à vous quel farouche entretien !
Quel étrange captif pour un si beau lien !
Mais l'offrande à vos yeux en doit être plus chère :
Songez que je vous parle une langue étrangère,
Et ne rejetez pas des vœux mal exprimés,
Qu'Hippolyte sans vous n'aurait jamais formés.

Jean Racine
Phèdre, acte II, scène 2 
1677